Rênal ; elle eut envie de lui faire des cadeaux, mais elle n’osa pas ; cette résistance intérieure fut le premier sentiment pénible que lui causa Julien. Jusque-là le nom de Julien et le sentiment d’une joie pure et tout intellectuelle étaient synonymes pour elle. Tourmentée par l’idée de la pauvreté de Julien, madame de Rênal parla à son mari de lui faire un cadeau de linge :
— Quelle duperie ! répondit-il. Quoi ! faire des cadeaux à un homme dont nous sommes parfaitement contents, et qui nous sert bien ? ce serait dans le cas où il se négligerait qu’il faudrait stimuler son zèle.
Madame de Rênal fut humiliée de cette manière de voir ; elle ne l’eût pas remarquée avant l’arrivée de Julien. Elle ne voyait jamais l’extrême propreté de la mise, d’ailleurs fort simple, du jeune abbé, sans se dire : Ce pauvre garçon, comment peut-il faire ?
Peu à peu, elle eut pitié de tout ce qui manquait à Julien, au lieu d’en être choquée.
Madame de Rênal était une de ces femmes de province, que l’on peut très-bien prendre pour des sottes pendant les quinze premiers jours qu’on les voit. Elle n’avait aucune expérience de la vie,