Page:Stendhal - Le Rouge et le Noir, I, 1927, éd. Martineau.djvu/433

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Pourquoi t’es-tu enfermée ? lui criait-il.

Julien n’eut que le temps de se glisser sous le canapé.

— Quoi ! vous êtes tout habillée, dit M. de Rênal en entrant ; vous soupez, et vous avez fermé votre porte à clef.

Les jours ordinaires, cette question, faite avec toute la sécheresse conjugale, eût troublé madame de Rênal, mais elle sentait que son mari n’avait qu’à se baisser un peu pour apercevoir Julien : car M. de Rênal s’était jeté sur la chaise que Julien occupait un moment auparavant vis-à-vis le canapé.

La migraine servit d’excuse à tout. Pendant qu’à son tour son mari lui contait longuement les incidents de la poule qu’il avait gagnée au billard du Casino, une poule de dix-neuf francs ma foi ! ajoutait-il, elle aperçut sur une chaise, à trois pas devant eux, le chapeau de Julien. Son sang-froid redoubla, elle se mit à se déshabiller, et, dans un certain moment, passant rapidement derrière son mari, jeta une robe sur la chaise au chapeau.

M. de Rênal partit enfin. Elle pria Julien de recommencer le récit de sa vie au séminaire ; hier je ne t’écoutais pas, je ne songeais, pendant que tu parlais, qu’à obtenir de moi de te renvoyer.