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— Oui, oui, lui cria madame de Rênal en s’éloignant.

Elle revint bientôt avec des oranges, des biscuits, une bouteille de vin de Malaga ; il lui avait été impossible de voler du pain.

— Que fait ton mari, dit Julien.

— Il écrit des projets de marchés avec des paysans.

Mais huit heures avaient sonné, on faisait beaucoup de bruit dans la maison. Si l’on n’eût pas vu madame de Rênal, on l’eût cherchée partout ; elle fut obligée de le quitter. Bientôt elle revint, contre toute prudence, lui apportant une tasse de café ; elle tremblait qu’il ne mourût de faim. Après le déjeuner, elle réussit à amener les enfants sous la fenêtre de la chambre de madame Derville. Il les trouva fort grandis, mais ils avaient pris l’air commun, ou bien ses idées avaient changé.

Madame de Rênal leur parla de Julien. L’aîné répondit avec amitié et regrets pour l’ancien précepteur ; mais il se trouva que les cadets l’avaient presque oublié.

M. de Rênal ne sortit pas ce matin-là ; il montait et descendait sans cesse dans la maison, occupé à faire des marchés avec des paysans, auxquels il vendait sa récolte de pommes de terre. Jusqu’au dîner, madame de Rênal n’eut pas un instant à donner à son prisonnier. Le dîner sonné et