Page:Stendhal - Le Rouge et le Noir, I, 1927, éd. Martineau.djvu/413

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Il se représenta à son ami, comme privé de son libre arbitre par la lettre de l’abbé Pirard.

Le lendemain vers midi, il arriva dans Verrières le plus heureux des hommes ; il comptait revoir Madame de Rênal. Il alla d’abord chez son premier protecteur, le bon abbé Chélan. Il trouva une réception sévère.

— Croyez-vous m’avoir quelque obligation ? lui dit M. Chélan, sans répondre à son salut. Vous allez déjeuner avec moi, pendant ce temps on ira vous louer un autre cheval, et vous quitterez Verrières, sans y voir personne.

— Entendre c’est obéir, répondit Julien avec une mine de séminaire ; et il ne fut plus question que de théologie et de belle latinité.

Il monta à cheval, fit une lieue, après quoi apercevant un bois, et personne pour l’y voir entrer, il s’y enfonça. Au coucher du soleil il renvoya le cheval. Plus tard, il entra chez un paysan, qui consentit à lui vendre une échelle et à le suivre en la portant jusqu’au petit bois qui domine le Cours de la Fidélité, à Verrières.

— Je suis un pauvre conscrit réfractaire… ou un contrebandier, dit le paysan, en prenant congé de lui, mais qu’importe ! mon échelle est bien payée, et moi-même