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l’abbé de Frilair, qui se permettait des remontrances.

Le soir, Monseigneur porta son admiration chez la marquise de Rubempré. Ce fut une grande nouvelle pour la haute société de Besançon ; on se perdait en conjectures sur cette faveur extraordinaire. On voyait déjà l’abbé Pirard, évêque. Les plus fins crurent M. de La Mole ministre, et se permirent ce jour-là de sourire des airs impérieux que M. l’abbé de Frilair portait dans le monde.

Le lendemain matin, on suivait presque l’abbé Pirard dans les rues, et les marchands venaient sur la porte de leurs boutiques, lorsqu’il alla solliciter les juges du marquis. Pour la première fois, il en fut reçu avec politesse. Le sévère janséniste, indigné de tout ce qu’il voyait, fit un long travail avec les avocats qu’il avait choisis pour le marquis de La Mole, et partit pour Paris. Il eut la faiblesse de dire à deux ou trois amis de collège, qui l’accompagnaient jusqu’à la calèche dont ils admirèrent les armoiries, qu’après avoir administré le séminaire pendant quinze ans, il quittait Besançon avec cinq cent vingt francs d’économies. Ces amis l’embrassèrent en pleurant, et se dirent entre eux : Le bon abbé eût pu s’épargner ce mensonge, il est aussi par trop ridicule.