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lisait, Julien, frappé de sa bonne mine, eut le temps de l’examiner. Cette figure eût eu plus de gravité, sans la finesse extrême qui apparaissait dans certains traits, et qui fût allée jusqu’à dénoter la fausseté, si le possesseur de ce beau visage eût cessé un instant de s’en occuper. Le nez, très-avancé, formait une seule ligne parfaitement droite, et donnait, par malheur, à un profil, fort distingué d’ailleurs, une ressemblance irrémédiable avec la physionomie d’un renard. Du reste, cet abbé qui paraissait si occupé de la démission de M. Pirard, était mis avec une élégance qui plut beaucoup à Julien, et qu’il n’avait jamais vue à aucun prêtre.

Julien ne sut que plus tard quel était le talent spécial de l’abbé de Frilair. Il savait amuser son évêque, vieillard aimable, fait pour le séjour de Paris, et qui regardait Besançon comme un exil. Cet évêque avait une fort mauvaise vue, et aimait passionnément le poisson. L’abbé de Frilair ôtait les arêtes du poisson qu’on servait à Monseigneur.

Julien regardait en silence l’abbé qui relisait la démission, lorsque tout à coup la porte s’ouvrit avec fracas. Un laquais, richement vêtu, passa rapidement. Julien n’eut que le temps de se retourner vers la porte ; il aperçut un petit vieillard portant