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troisième jour, elle entendit de loin le signal convenu. Après avoir traversé mille dangers, Julien parut devant elle.

De ce moment, elle n’eut plus qu’une pensée, c’est pour la dernière fois que je le vois. Loin de répondre aux empressements de son ami, elle fut comme un cadavre à peine animé. Si elle se forçait à lui dire qu’elle l’aimait, c’était d’un air gauche qui prouvait presque le contraire. Rien ne put la distraire de l’idée cruelle de séparation éternelle. Le méfiant Julien crut un instant être déjà oublié. Ses mots piqués dans ce sens ne furent accueillis que par de grosses larmes coulant en silence, et des serrements de main presque convulsifs.

— Mais, grand Dieu ! comment voulez-vous que je vous croie ? répondait Julien aux froides protestations de son amie ; vous montreriez cent fois plus d’amitié sincère à madame Derville, à une simple connaissance.

Madame de Rênal, pétrifiée, ne savait que répondre :

— Il est impossible d’être plus malheureuse… J’espère que je vais mourir… Je sens mon cœur se glacer…

Telles furent les réponses les plus longues qu’il put en obtenir.

Quand l’approche du jour vint rendre