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femme. Quelques instants après, il revint auprès d’elle, et plus tranquille.

— Il s’agit de prendre un parti et de renvoyer Julien, lui dit-elle aussitôt ; ce n’est après tout que le fils d’un ouvrier. Vous le dédommagerez par quelques écus, et d’ailleurs il est savant et trouvera facilement à se placer, par exemple chez M. Valenod ou chez le sous-préfet de Maugiron qui ont des enfants. Ainsi vous ne lui ferez point de tort…

— Vous parlez là comme une sotte que vous êtes, s’écria M. de Rênal d’une voix terrible. Quel bon sens peut-on espérer d’une femme ? Jamais vous ne prêtez attention à ce qui est raisonnable ; comment sauriez-vous quelque chose ? votre nonchalance, votre paresse, ne vous donnent d’activité que pour la chasse aux papillons, êtres faibles et que nous sommes malheureux d’avoir dans nos familles !…

Madame de Rênal le laissait dire, et il dit longtemps ; il passait sa colère, c’est le mot du pays.

— Monsieur, lui répondit-elle enfin, je parle comme une femme outragée dans son honneur, c’est-à-dire dans ce qu’elle a de plus précieux.

Madame de Rênal eut un sang-froid inaltérable pendant toute cette pénible conversation, de laquelle dépendait la