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la campagne

de M. Charcot de Maugiron, le sous-préfet de Bray. Elle travaillait à un petit métier de tapisserie fort élevé. Madame Derville était à ses côtés. Ce fut dans une telle position, et par le plus grand jour, que notre héros trouva convenable d’avancer sa botte et de presser le joli pied de madame de Rênal, dont le bas à jour et le joli soulier de Paris attiraient évidemment les regards du galant sous-préfet.

Madame de Rênal eut une peur extrême ; elle laissa tomber ses ciseaux, son peloton de laine, ses aiguilles, et le mouvement de Julien put passer pour une tentative gauche destinée à empêcher la chute des ciseaux, qu’il avait vu glisser. Heureusement ces petits ciseaux d’acier anglais se brisèrent, et madame de Rênal ne tarit pas en regrets de ce que Julien ne s’était pas trouvé plus près d’elle.

— Vous avez aperçu la chute avant moi, vous l’eussiez empêchée ; au lieu de cela votre zèle n’a réussi qu’à me donner un fort grand coup de pied.

Tout cela trompa le sous-préfet, mais non madame Derville. Ce joli garçon a de bien sottes manières ! pensa-t-elle ; le savoir-vivre d’une capitale de province ne pardonne point ces sortes de fautes. Madame de Rênal trouva le moment de dire à Julien :