Page:Stendhal - Le Rouge et le Noir, I, 1927, éd. Martineau.djvu/137

Cette page a été validée par deux contributeurs.
103
un intérieur

ment blessée, ce fut avec l’air du dévouement le plus simple que madame de Rênal fit à Julien les questions nécessaires pour pouvoir bien s’acquitter de sa commission.

— Ainsi, lui dit-elle en s’éloignant, une petite boîte ronde, de carton noir, bien lisse.

— Oui, madame, répondit Julien de cet air dur que le danger donne aux hommes.

Elle monta au second étage du château, pâle comme si elle fût allée à la mort. Pour comble de misère elle sentit qu’elle était sur le point de se trouver mal ; mais la nécessité de rendre service à Julien lui rendit des forces.

— Il faut que j’aie cette boîte, se dit-elle en doublant le pas.

Elle entendit son mari parler au valet de chambre, dans la chambre même de Julien. Heureusement ils passèrent dans celle des enfants. Elle souleva le matelas et plongea la main dans la paillasse avec une telle violence qu’elle s’écorcha les doigts. Mais quoique fort sensible aux petites douleurs de ce genre, elle n’eut pas la conscience de celle-ci, car presque en même temps, elle sentit le poli de la boîte de carton. Elle la saisit et disparut.

À peine fut-elle délivrée de la crainte d’être surprise par son mari, que l’horreur que lui causait cette boîte fut sur le point de la faire décidément se trouver mal.