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les pensées lui arrivèrent en foule. En ayant l’air de s’adresser au public, il ne parlait qu’à la marquise. Il termina son discours un peu plus tôt que de coutume, parce que, quoi qu’il pût faire, les larmes le gagnaient à un tel point qu’il ne pouvait plus prononcer d’une manière intelligible. Les bons juges trouvèrent ce sermon singulier, mais égal au moins, pour le pathétique, au fameux sermon prêché aux lumières. Quant à Clélia, à peine eut-elle entendu les dix premières lignes de la prière lue par Fabrice, qu’elle regarda comme un crime atroce d’avoir pu passer quatorze mois sans le voir. En rentrant chez elle, elle se mit au lit pour pouvoir penser à Fabrice en toute liberté ; et le lendemain, d’assez bonne heure, Fabrice reçut un billet ainsi conçu :

« On compte sur votre honneur ; cherchez quatre braves de la discrétion desquels vous soyez sûr, et demain, au moment où minuit sonnera à la Steccata, trouvez-vous près d’une petite porte qui porte le numéro 19, dans la rue Saint-Paul. Songez que vous pouvez être attaqué, ne venez pas seul. »

En reconnaissant ces caractères divins, Fabrice tomba à genoux et fondit en larmes : Enfin, s’écria-t-il, après quatorze mois et huit jours ! Adieu les prédications.