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Afin de donner de l’invraisemblance aux histoires que peut faire M. Mosca, l’on m’a fait appeler au ministère ce dangereux coquin Rassi, et voilà ce général Conti qui le croit encore tellement puissant, qu’il n’ose avouer que c’est lui ou la Raversi qui l’ont engagé à faire périr votre neveu ; j’ai bonne envie de renvoyer tout simplement par-devant les tribunaux le général Fabio Conti ; les juges verront s’il est coupable de tentative d’empoisonnement.

— Mais, mon prince, avez-vous des juges ?

— Comment ! dit le prince étonné.

— Vous avez des jurisconsultes savants et qui marchent dans la rue d’un air grave ; du reste, ils jugeront toujours comme il plaira au parti dominant dans votre cour.

Pendant que le jeune prince, scandalisé, prononçait des phrases qui montraient sa candeur bien plus que sa sagacité, la duchesse se disait :

— Me convient-il bien de laisser déshonorer Conti ? Non, certainement, car alors le mariage de sa fille avec ce plat honnête homme de marquis Crescenzi devient impossible.

Sur ce sujet, il y eut un dialogue infini entre la duchesse et le prince. Le prince