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lement fort amoureux, ce fut une consolation pour lui de pouvoir se dire : Il se trouve que j’ai réellement sauvé la vie à M. del Dongo, et la duchesse n’osera pas manquer à la parole qu’elle m’a donnée. Il arriva à une autre idée : Mon métier est bien plus difficile que je ne le pensais ; tout le monde convient que la duchesse a infiniment d’esprit, la politique est ici d’accord avec mon cœur. Il serait divin pour moi qu’elle voulût être mon premier ministre.

Le soir, le prince était tellement irrité des horreurs qu’il avait découvertes, qu’il ne voulut pas se mêler de la comédie.

— Je serais trop heureux, dit-il à la duchesse, si vous vouliez régner sur mes états comme vous régnez sur mon cœur. Pour commencer, je vais vous dire l’emploi de ma journée. Alors il lui conta tout fort exactement ; la brûlure de la patente de comte de Rassi, la nomination de Lange, son rapport sur l’empoisonnement, etc., etc. Je me trouve bien peu d’expérience pour régner. Le comte m’humilie par ses plaisanteries, il plaisante même au conseil, et, dans le monde, il tient des propos dont vous allez contester la vérité ; il dit que je suis un enfant qu’il mène où il veut. Pour être prince, madame, on n’en est pas moins homme, et ces choses-là fâchent.