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princesse, la duchesse devint folle de douleur. Elle ne fit point cette réflexion morale, qui n’eût pas échappé à une femme élevée dans une de ces religions du Nord qui admettent l’examen personnel ; j’ai employé le poison la première, et je péris par le poison. En Italie, ces sortes de réflexions, dans les moments passionnés, paraissent de l’esprit fort plat, comme ferait à Paris un calembour en pareille circonstance.

La duchesse, au désespoir, hasarda d’aller dans le salon où se tenait le marquis Crescenzi, de service ce jour-là. Au retour de la duchesse à Parme, il l’avait remerciée avec effusion de la place de chevalier d’honneur à laquelle, sans elle, il n’eût jamais pu prétendre. Les protestations de dévouement sans bornes n’avaient pas manqué de sa part. La duchesse l’aborda par ces mots :

— Rassi va faire empoisonner Fabrice qui est à la citadelle. Prenez dans votre poche du chocolat et une bouteille d’eau que je vais vous donner. Montez à la citadelle, et donnez-moi la vie en disant au général Fabio Conti que vous rompez avec sa fille s’il ne vous permet pas de remettre vous-même à Fabrice cette eau et ce chocolat.

Le marquis pâlit, et sa physionomie, loin