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Durant le court moment de profond silence, rempli par les réflexions de la princesse, l’horloge du château sonna trois heures. La princesse se leva, fit une profonde révérence à son fils, et lui dit :

— Ma santé ne me permet pas de prolonger davantage la discussion. Jamais de ministre de basse naissance ; vous ne m’ôterez pas de l’idée que votre Rassi vous a volé la moitié de l’argent qu’il vous a fait dépenser en espionnage. La princesse prit deux bougies dans les flambeaux et les plaça dans la cheminée, de façon à ne pas les éteindre ; puis, s’approchant de son fils, elle ajouta : La fable de La Fontaine l’emporte, dans mon esprit, sur le juste désir de venger un époux. Votre Altesse veut-elle me permettre de brûler ces écritures ? Le prince restait immobile.

Sa physionomie est vraiment stupide, se dit la duchesse ; le comte a raison : le feu prince ne nous eût pas fait veiller jusqu’à trois heures du matin, avant de prendre un parti.

La princesse, toujours debout, ajouta :

— Ce petit procureur serait bien fier, s’il savait que ses paperasses, remplies de mensonges, et arrangées pour procurer son avancement, ont fait passer la nuit aux deux plus grands personnages de l’état.