Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, II, 1927, éd. Martineau.djvu/29

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La duchesse adressait à l’archevêque l’original même du billet du prince ; comme ce billet était relatif à son premier grand vicaire, elle le priait de le déposer aux archives de l’archevêché, où elle espérait que messieurs les grands-vicaires et les chanoines, collègues de son neveu, voudraient bien en prendre connaissance ; le tout sous la condition du plus profond secret.

La duchesse écrivait à monseigneur Landriani avec une familiarité qui devait charmer ce bon bourgeois ; la signature seule avait trois lignes ; la lettre fort amicale était suivie de ces mots Angelina-Cornelia-Isola Valsera del Dongo, duchesse Sanseverina. Je n’en ai pas tant écrit, je pense, se dit la duchesse en riant, depuis mon contrat de mariage avec le pauvre duc ; mais on ne mène ces gens-là que par ces choses, et aux yeux des bourgeois la caricature fait beauté. Elle ne put pas finir la soirée sans céder à la tentation d’écrire une lettre de persiflage au pauvre comte ; elle lui annonçait officiellement, pour sa gouverne, disait-elle, dans ses rapports avec les têtes couronnées, qu’elle ne se sentait pas capable d’amuser un ministre disgracié. « Le prince vous fait peur ; quand vous ne pourrez plus le voir,