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Fabrice fut bien agréablement surpris quand, après cent trente-cinq jours de prison dans une cage assez étroite, le bon aumônier don Cesare vint le chercher un jeudi pour le faire promener sur le donjon de la tour Farnèse : Fabrice n’y eut pas été dix minutes que, surpris par le grand air, il se trouva mal.

Don Cesare prit prétexte de cet accident pour lui accorder une promenade d’une demi-heure tous les jours. Ce fut une sottise ; ces promenades fréquentes eurent bientôt rendu à notre héros des forces dont il abusa.

Il y eut plusieurs sérénades ; le ponctuel gouverneur ne les souffrait que parce qu’elles engageaient avec le marquis Crescenzi sa fille Clélia, dont le caractère lui faisait peur : il sentait vaguement qu’il n’y avait nul point de contact entre elle et lui, et craignait toujours de sa part quelque coup de tête. Elle pouvait s’enfuir au couvent, et il restait désarmé. Du reste, le général craignait que toute cette musique, dont les sons pouvaient pénétrer jusque dans les cachots les plus profonds, réservés aux plus noirs libéraux, ne contînt des signaux. Les musiciens aussi lui donnaient de la jalousie par eux-mêmes ; aussi, à peine la sérénade terminée, on les enfermait à clef dans les grandes salles