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son palais, et il eût été également impossible à qui que ce fût d’arriver à la tour Farnèse. C’est ce que Fabrice avait parfaitement bien remarqué le jour de son entrée à la citadelle, et ce que Grillo, qui comme tous les geôliers aimait à vanter sa prison, lui avait plusieurs fois expliqué ; ainsi il n’avait guère d’espoir de se sauver. Cependant il se souvenait d’une maxime de l’abbé Blanès : « L’amant songe plus souvent à arriver à sa maîtresse que le mari à garder sa femme ; le prisonnier songe plus souvent à se sauver, que le geôlier à fermer sa porte ; donc, quels que soient les obstacles, l’amant et le prisonnier doivent réussir. »

Ce soir-là Fabrice entendait fort distinctement un grand nombre d’hommes passer sur le pont en fer, dit le pont de l’esclave, parce que jadis un esclave dalmate avait réussi à se sauver, en précipitant le gardien du pont dans la cour.

On vient faire ici un enlèvement, on va peut-être me mener pendre ; mais il peut y avoir du désordre, il s’agit d’en profiter. Il avait pris ses armes, il retirait déjà de l’or de quelques-unes de ses cachettes, lorsque tout à coup il s’arrêta.

— L’homme est un plaisant animal, s’écria-t-il, il faut en convenir ! Que dirait un spectateur invisible qui verrait mes