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Altesse que le prisonnier del Dongo ne parle à âme qui vive, et passe sa vie dans l’accablement du plus profond désespoir, ou à dormir.

Clélia venait deux ou trois fois le jour voir ses oiseaux, quelquefois pour des instants ; si Fabrice ne l’eût pas tant aimée, il eût bien vu qu’il était aimé ; mais il avait des doutes mortels à cet égard. Clélia avait fait placer un piano dans la volière. Tout en frappant les touches, pour que le son de l’instrument pût rendre compte de sa présence et occupât les sentinelles qui se promenaient sous ses fenêtres, elle répondait des yeux aux questions de Fabrice. Sur un seul sujet elle ne faisait jamais de réponse, et même, dans les grandes occasions, prenait la fuite, et quelquefois disparaissait pour une journée entière ; c’était lorsque les signes de Fabrice indiquaient des sentiments dont il était trop difficile de ne pas comprendre l’aveu : elle était inexorable sur ce point.

Ainsi, quoique étroitement resserré dans une assez petite cage, Fabrice avait une vie fort occupée ; elle était employée tout entière à chercher la solution de ce problème si important : M’aime-t-elle ? Le résultat de milliers d’observations sans cesse renouvelées, mais aussi sans cesse mises en doute, était ceci : Tous ses gestes volontaires disent non, mais ce qui est involon-