Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, II, 1927, éd. Martineau.djvu/130

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de lui il fit des efforts si extraordinaires qu’il parvint à retirer la tête de son collier ; alors advint cette bataille admirable et dont le tapage réveilla Fabrice lancé dans les rêveries les moins tristes. Les rats qui avaient pu se sauver du premier coup de dent, se réfugiant dans la chambre de bois, le chien monta après eux les six marches qui conduisaient du pavé en pierre à la cabane de Fabrice. Alors commença un tapage bien autrement épouvantable : la cabane était ébranlée jusqu’en ses fondements. Fabrice riait comme un fou et pleurait à force de rire ; le geôlier Grillo, non moins riant, avait fermé la porte ; le chien, courant après les rats, n’était gêné par aucun meuble, car la chambre était absolument nue ; il n’y avait pour gêner les bonds du chien chasseur qu’un poêle de fer dans un coin. Quand le chien eut triomphé de tous ses ennemis, Fabrice l’appela, le caressa, réussit à lui plaire : Si jamais celui-ci me voit sautant par-dessus quelque mur, se dit-il, il n’aboiera pas. Mais cette politique raffinée était une prétention de sa part ; dans la situation d’esprit où il était, il trouvait son bonheur à jouer avec ce chien. Par une bizarrerie à laquelle il ne réfléchissait point, une secrète joie régnait au fond de son âme.