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ment rappelée à la réalité par un tapage épouvantable : sa chambre de bois, assez semblable à une cage et surtout fort sonore, était violemment ébranlée des aboiements de chien ; et de petits cris aigus complétaient le bruit le plus singulier. Quoi donc ! si tôt pourrais-je m’échapper ! pensa Fabrice. Un instant après, il riait comme jamais peut-être on n’a ri dans une prison. Par ordre du général, on avait fait monter en même temps que les geôliers un chien anglais, fort méchant, préposé à la garde des prisonniers d’importance, et qui devait passer la nuit dans l’espace si ingénieusement ménagé tout autour de la cage de Fabrice. Le chien et le geôlier devaient coucher dans l’intervalle de trois pieds ménagé entre les dalles de pierre du sol primitif de la chambre et le plancher en bois sur lequel le prisonnier ne pouvait faire un pas sans être entendu.

Or, à l’arrivée de Fabrice, la chambre de l’Obéissance passive se trouvait occupée par une centaine de rats énormes qui prirent la fuite dans tous les sens. Le chien, sorte d’épagneul croisé avec un fox anglais, n’était point beau, mais en revanche il se montra fort alerte. On l’avait attaché sur le pavé en dalles de pierre au-dessous du plancher de la chambre de bois ; mais lorsqu’il sentit passer les rats tout près