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prendre la même précaution ; Ernestine n’y songea qu’après le mot du curé.

La Saint-Hubert approchait, et avec elle l’époque du seul grand dîner qui eût lieu au château pendant toute la durée de l’année. On descendit au salon le piano d’Ernestine. En l’ouvrant le jour d’après, elle trouva sur les touches un morceau de papier contenant cette ligne :

« Ne jetez pas de cri quand vous m’apercevrez. »

Cela était si court, qu’elle le lut avant de reconnaître la main de la personne qui l’avait écrit : l’écriture était contrefaite. Comme Ernestine devait au hasard, ou peut-être à l’air des montagnes du Dauphiné, une âme ferme, bien certainement, avant les paroles du curé sur le départ de madame Dayssin, elle serait allée se renfermer dans sa chambre et n’eût plus reparu qu’après la fête.

Le surlendemain eut lieu ce grand dîner annuel de la Saint-Hubert. À table, Ernestine fit les honneurs, placée vis-à-vis de son oncle ; elle était mise avec beaucoup d’élégance. La table présentait la collection à peu près complète des curés et des maires des environs, plus cinq ou six fats de province, parlant d’eux et de leurs exploits à la guerre, à la chasse et même en amour, et surtout de l’ancienneté de leur