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DE L’AMOUR

147.
Lorette, 11 septembre 1811.

Je viens de voir un très beau bataillon de gens de ce pays ; c’est le reste de quatre mille hommes qui étaient allés à Vienne en 1809. J’ai passé dans les rangs avec le colonel, et fait faire leur histoire à plusieurs soldats. C’est la vertu des républiques du moyen âge, plus ou moins abâtardie par les Espagnols[1], le P.....[2], et deux siècles des gouvernements lâches et cruels qui ont tour à tour gâté ce pays-ci[3].

Le brillant honneur chevaleresque, sublime et sans raison, est une plante exotique importée seulement depuis un petit nombre d’années.

On n’en trouve pas trace en 1740. Voir de Brosses. Les officiers de Montenotte et de Rivoli avaient trop d’occasions de montrer la vraie vertu à leurs voisins, pour chercher à imiter un honneur peu

  1. Vers 1580, les Espagnols, hors de chez eux, n’étaient que des agents énergiques de despotisme, ou des joueurs de guitare sous les fenêtres des belles Italiennes. Les Espagnols passaient alors en Italie comme aujourd’hui l’on vient à Paris ; du reste ils ne mettaient leur orgueil qu’à faire triompher le roi leur maître. Ils ont perdu l’Italie, et l’ont perdue en l’avilissant. En 1626, le grand poète Calderon était officier à Milan.
  2. Le Prêtisme. — N.D.L.E.
  3. Voir la Vie de saint Charles Borromée, qui changea Milan, et l’avilit. Il fit déserter les salles d’armes et aller au chapelet. Merveilles tue Castiglione, 1533.