Page:Stendhal - De l’amour, II, 1927, éd. Martineau.djvu/156

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’une femme me plaît, me disait-il un soir, quand je me trouve tout interdit auprès d’elle et que je ne sais que lui dire. » Bien loin de mettre son amour-propre à rougir et à se venger de ce moment d’embarras, il le cultivait précieusement comme la source du bonheur. Chez cet aimable jeune homme, l’amour-goût était tout à fait exempt de la vanité qui corrode ; c’était une nuance affaiblie, mais pure et sans mélange, de l’amour véritable ; et il respectait toutes les femmes comme des êtres charmants envers qui nous sommes bien injustes (20 février 1820).

Comme on ne se choisit pas un tempérament, c’est-à-dire une âme, l’on ne se donne pas un rôle supérieur. J.-J. Rousseau et le duc de Richelieu auraient eu beau faire, malgré tout leur esprit, ils n’auraient pu changer de carrière auprès des femmes. Je croirais volontiers que le duc n’a jamais eu de moments comme ceux que Rousseau trouva dans le parc de la Chevrette, auprès de madame d’Houdetot ; à Venise, en écoutant la musique des Scuole ; et à Turin, aux pieds de madame Bazile. Mais aussi il n’eût jamais à rougir du ridicule dont Rousseau se couvre auprès de madame de Larnage et dont le remords le poursuit le reste de sa vie.

Le rôle des Saint-Preux est plus doux et