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Même quand il nous serait loisible d’élever les jeunes filles en idiotes avec des Ave Maria et des chansons lubriques comme dans les couvents de 1770, il y aurait encore plusieurs petites objections :

1o En cas de mort du mari elles sont appelées à gouverner la jeune famille.

2o Comme mères, elles donnent aux enfants mâles, aux jeunes tyrans futurs, la première éducation, celle qui forme le caractère, celle qui plie l’âme à chercher le bonheur par telle route plutôt que par telle autre, ce qui est toujours une affaire faite à quatre ou cinq ans.

3o Malgré tout notre orgueil, dans nos petites affaires intérieures, celles dont surtout dépend notre bonheur, parce qu’en l’absence des passions le bonheur est fondé sur l’absence des petites vexations de tous les jours, les conseils de la compagne nécessaire de notre vie ont la plus grande influence ; non pas que nous voulions lui accorder la moindre influence, mais c’est qu’elle répète les mêmes choses vingt ans de suite ; et où est l’âme qui ait la vigueur romaine de résister à la même idée répétée pendant toute une vie ? Le monde est plein de maris qui se laissent mener ; mais c’est par faiblesse et non par sentiment de justice et d’égalité. Comme ils