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de la vie, et donner aux jouissances un autre genre d’intérêt.

Êtes-vous quitté, la cristallisation recommence ; et chaque acte d’admiration, la vue de chaque bonheur qu’elle peut vous donner et auquel vous ne songiez plus, se termine par cette réflexion déchirante : « Ce bonheur si charmant, je ne le reverrai jamais ! et c’est par ma faute que je le perds ! » Que si vous cherchez le bonheur dans des sensations d’un autre genre, votre cœur se refuse à les sentir. Votre imagination vous peint bien la position physique, elle vous met bien sur un cheval rapide, à la chasse, dans des bois du Devonshire[1] ; mais vous voyez, vous sentez évidemment que vous n’y auriez aucun plaisir. Voilà l’erreur d’optique qui produit le coup de pistolet.

Le jeu a aussi sa cristallisation provoquée par l’emploi à faire de la somme que vous allez gagner.

Les jeux de la cour, si regrettés par les nobles, sous le nom de légitimité, n’étaient si attachants que par la cristallisation qu’ils provoquaient. Il n’y avait pas de courtisan qui ne rêvât la fortune rapide d’un Luynes ou d’un Lauzun, et de femme

  1. Car, si vous pouviez vous imaginer là un bonheur, la cristallisation aurait déféré à votre maîtresse le privilège exclusif de vous donner ce bonheur.