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et ayant souverainement la prétention d’être clairvoyants ? Le pauvre auteur sera joliment traité. C’est aussi ce qui lui est arrivé lors de la première édition. Plusieurs exemplaires ont été actuellement brûlés par la vanité furibonde de gens de beaucoup d’esprit. Je ne parle pas des injures, non moins flatteuses par leur fureur : l’auteur a été déclaré grossier, immoral, écrivant pour le peuple, homme dangereux, etc. Dans les pays usés par la monarchie, ces titres sont la récompense la plus assurée de qui s’avise d’écrire sur la morale et ne dédie pas son livre à la madame Dubarry du jour. Heureuse la littérature si elle n’était pas à la mode, et si les seules personnes pour qui elle est faite voulaient bien s’en occuper ! Du temps du Cid, Corneille n’était qu’un bon homme pour M. le marquis de Danjeau[1]. Aujourd’hui, tout le monde se croit fait pour lire M. de Lamartine ; tant mieux pour son libraire ; mais tant pis et cent fois tant pis pour ce grand poète. De nos jours, le génie a des ménagements pour des êtres auxquels il ne devrait jamais songer sous peine de déroger.

La vie laborieuse, active, tout estimable, toute positive, d’un conseiller d’État, d’un

  1. Voir page 120 des Mémoires de Danjeau, édition Genlis.