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et s’en affliger, non pas parce qu’on fut ridicule aux yeux du salon, mais bien aux yeux d’une certaine personne dans ce salon ; à vingt-six ans, être amoureux de bonne foi d’une femme qui en aime un autre, ou bien encore (mais la chose est si rare, que j’ose à peine l’écrire de peur de retomber dans les inintelligibles, comme lors de la première édition), ou bien encore, en entrant dans le salon où est la femme que l’on croit aimer, ne songer qu’à lire dans ses yeux ce qu’elle pense de nous en cet instant, et n’avoir nulle idée de mettre de l’amour dans nos propres regards : voilà les antécédents que je demanderai à mon lecteur. C’est la description de beaucoup de ces sentiments fins et rares qui a semblé obscure aux hommes à idées positives. Comment faire pour être clair à leurs yeux ? Leur annoncer une hausse de cinquante centimes, ou un changement dans le tarif des douanes de la Colombie[1].

Le livre qui suit explique simplement, raisonnablement, mathématiquement, pour ainsi dire, les divers sentiments qui se succèdent les uns aux autres, et

  1. On me dit : « Otez ce morceau, rien de plus vrai  ; mais gare les industriels ; ils vont crier à l’aristocrate. » — En 1817, je n’ai pas craint les procureurs généraux ; pourquoi aurais-je peur des millionnaires en 1826 ? Les vaisseaux fournis au pacha d’Égypte m’ont ouvert les yeux sur leur compte, et je ne crains que ce que j’estime.