Page:Stendhal - De l’amour, I, 1927, éd. Martineau.djvu/245

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de tout ce qu’il s’imagine, et il n’y a rien dans la nature qui ne lui parle de ce qu’il aime. Or jouir et frémir fait une occupation fort intéressante, et auprès de laquelle toutes les autres pâlissent.

Un ami qui veut procurer la guérison du malade, doit d’abord être toujours du parti de la femme aimée, et tous les amis qui ont plus de zèle que d’esprit, ne manquent pas de faire le contraire.

C’est attaquer, avec des forces trop ridiculeusement inégales, cet ensemble d’illusions charmantes que nous avons appelé autrefois cristallisations[1].

L’ami guérisseur doit avoir devant les yeux que s’il se présente une absurdité à croire, comme il faut pour l’amant ou la dévorer ou renoncer à tout ce qui l’attache à la vie, il la dévorera, et, avec tout l’esprit possible, niera dans sa maîtresse les vices les plus évidents et les infidélités les plus atroces. C’est ainsi que dans l’amour-passion, avec un peu de temps, tout se pardonne.

Dans les caractères raisonnables et froids, il faudra, pour que l’amant dévore les vices, qu’il ne les aperçoive qu’après plusieurs mois de passion[2].

  1. Uniquement pour abréger, et en demandant pardon du mot nouveau.
  2. Madame Dornal et Serigny, Confessions du comte * * * Duclos. Voir la note 4 de la page 68 ; mort du général Abdhallah, à Bologne.