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boucles, de joyaux ; il se faisait désirer, se plaisait à donner de la jalousie à la princesse, et à paraître jaloux lui-même ; souvent il la faisait pleurer : peu à peu il la mit sur le pied de ne rien faire sans sa permission, pas même les choses indifférentes : tantôt prête à sortir pour aller à l’Opéra, il la faisait demeurer ; d’autres fois il l’y faisait aller malgré elle ; il l’obligeait à faire du bien à des dames qu’elle n’aimait point, ou dont elle était jalouse ; et du mal à des gens qui lui plaisaient, et dont il faisait le jaloux. Jusqu’à sa parure, elle n’avait pas la moindre liberté ; il se divertissait à la faire décoiffer, ou à lui faire changer d’habits, quand elle était toute prête ; et cela si souvent, et quelquefois si publiquement, qu’il l’avait accoutumée, le soir, à prendre ses ordres pour la parure et l’occupation du lendemain, et le lendemain il changeait tout, et la princesse pleurait tant et plus ; enfin elle en était venue à lui envoyer des messages par des valets affidés, car il logea presque en arrivant au Luxembourg ; et les messages se réitéraient plusieurs fois pendant sa toilette pour savoir quels rubans elle mettrait, et ainsi de l’habit et des autres parures, et presque toujours il lui faisait porter ce qu’elle ne voulait point. Si quelquefois elle osait se licencier à la moindre chose