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faire la cour à l’autre. Auprès de la plupart. des femmes espagnoles jeunes, et qui font l’amour, si vous voulez être aimé, il suffit d’afficher de bonne foi et avec modestie, que vous n’avez rien dans le cœur pour la maîtresse de la maison. C’est de l’aimable général Lassale que je tiens cette maxime utile. C’est la manière la plus dangereuse d’attaquer l’amour-passion.

La pique d’amour-propre fait le lien des mariages les plus heureux, après ceux que l’amour a formés. Beaucoup de maris s’assurent pour de longues années l’amour de leur femme, en prenant une petite maîtresse deux mois après le mariage[1]. On fait naître l’habitude de ne penser qu’à un seul homme, et les liens de famille viennent la rendre invincible.

Si dans le siècle et à la cour de Louis XV, l’on a vu une grande dame (madame de Choiseul) adorer son mari[2], c’est qu’il paraissait avoir un intérêt vif pour sa sœur la duchesse de Grammont.

La maîtresse la plus négligée, dès qu’elle nous fait voir qu’elle préfère un autre homme, nous ôte le repos, et jette dans notre cœur toutes les apparences de la passion.

  1. Voir les confessions d’un homme singulier (conte de mistress Opie).
  2. Lettres de madame du Deffant, Mémoires de Lauzun