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Un quart d’heure après il n’y paraissait plus. Elle était consolée ; aimait-elle par pique ? ou est-ce une grande âme qui dédaigne de se donner, avec sa douleur, en spectacle au monde ?

Souvent l’amour-passion ne peut arriver, dirai-je au bonheur, qu’en faisant naître une pique d’amour-propre ; alors il obtient en apparence tout ce qu’il saurait désirer, ses plaintes seraient ridicules et paraîtraient insensées ; il ne peut pas faire confidence de son malheur, et cependant ce malheur il le touche et le vérifie sans cesse ; ses preuves sont entrelacées, si je puis ainsi dire, avec les circonstances les plus flatteuses et les plus faites pour donner des illusions ravissantes. Ce malheur vient présenter sa tête hideuse dans les moments les plus tendres, comme pour braver l’amant et lui faire sentir à la fois, et tout le bonheur d’être aimé de l’être charmant et insensible qu’il serre dans ses bras, et que ce bonheur ne sera jamais sien. C’est peut-être après la jalousie le malheur le plus cruel.

On se souvient encore, dans une grande ville[1], d’un homme doux et tendre, en-

  1. Livourne, 1819.