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jeunesse quittent se pique d’un rien. » Ce qu’il y a de sûr, c’est que cette femme cruelle est enragée contre moi ; c’est le mot d’un de ses amis. Je puis me venger d’une manière atroce ; mais contre sa haine je n’ai pas le plus petit moyen de défense. Schiassetti me quitte. Je sors par la pluie ne sachant que devenir. Mon appartement, ce salon que j’ai habité dans les premiers temps de notre connaissance et quand je la voyais tous les soirs, m’est devenu insupportable. Chaque gravure, chaque meuble, me reprochent le bonheur que j’avais rêvé en leur présence, et que j’ai perdu pour toujours.

Je cours les rues par une pluie froide ; le hasard, si je puis l’appeler hasard, me fait passer sous ses fenêtres. Il était nuit tombante, et je marchais les yeux pleins de larmes fixés sur la fenêtre de sa chambre. Tout à coup le rideau a été un peu entr’ouvert comme pour voir sur la place et s’est refermé à l’instant. Je me suis senti un mouvement physique près du cœur. Je ne pouvais me soutenir : je me réfugie sous le portique de la maison voisine. Mille sentiments inondent mon âme, le hasard a pu produire ce mouvement du rideau ; mais si c’était sa main qui l’eût entr’ouvert !

Il y a deux malheurs au monde : celui de