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se montrerait supérieur à tout ; car la peur n’est jamais dans le danger, elle est dans nous.

Ce n’est pas que je prétende déprécier le courage des femmes, j’en ai vu, dans l’occasion, de supérieures aux hommes les plus braves. Il faut seulement qu’elles aient un homme à aimer ; comme elles ne sentent plus que par lui, le danger direct et personnel le plus atroce devient pour elles comme une rose à cueillir en sa présence[1].

J’ai trouvé aussi chez des femmes qui n’aimaient pas, l’intrépidité la plus froide, la plus étonnante, la plus exempte de nerfs.

Il est vrai que je pensais qu’elles ne sont si braves que parce qu’elles ignorent l’ennui des blessures.

Quant au courage moral, si supérieur à l’autre, la fermeté d’une femme qui résiste à son amour est seulement la chose la plus admirable qui puisse exister sur la terre. Toutes les autres marques possibles de courage sont des bagatelles auprès d’une chose si fort contre nature et si pénible. Peut-être trouvent-elles des forces dans cette habitude des sacrifices que la pudeur fait contracter.

Un malheur des femmes, c’est que les

  1. Marie Stuart parlant de Leicester, après l’entrevue avec Élisabeth où elle vient de se perdre.
    Schiller