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s’élève moins il est visible, et il est puni de sa grandeur par la solitude de l’âme.

De l’orgueil féminin naît ce que les femmes appellent les manques de délicatesse. Je crois que cela ressemble assez à ce que les rois appellent lèse-majesté, crime d’autant plus dangereux qu’on y tombe sans s’en douter. L’amant le plus tendre peut être accusé de manquer de délicatesse, s’il n’a pas beaucoup d’esprit, et, ce qui est plus triste, s’il ose se livrer au plus grand charme de l’amour, au bonheur d’être parfaitement naturel avec ce qu’on aime, et de ne pas écouter ce qu’on lui dit.

Voilà de ces choses dont un cœur bien né ne saurait avoir le soupçon, et qu’il faut avoir éprouvées pour y croire, car l’on est entraîné par l’habitude d’en agir avec justice et franchise avec ses amis hommes.

Il faut se rappeler sans cesse qu’on a affaire à des êtres qui, quoique à tort, peuvent se croire inférieurs en vigueur de caractère, ou, pour mieux dire, peuvent penser qu’on les croit inférieurs.

Le véritable orgueil d’une femme ne devrait-il pas se placer dans l’énergie du sentiment qu’elle inspire ? On plaisantait une fille d’honneur de la reine épouse de François Ier, sur la légèreté de son amant qui, disait-on, ne l’aimait guère. Peu de temps après, cet amant eut une maladie et