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les deux ans ; la rareté et la pudeur doivent donc préparer aux femmes des plaisirs infiniment plus vifs[1].

6o L’inconvénient de la pudeur, c’est qu’elle jette sans cesse dans le mensonge.

7o L’excès de la pudeur et sa sévérité découragent d’aimer les âmes tendres et timides[2], justement celles qui sont faites pour donner et sentir les délices de l’amour.

8o Chez les femmes tendres qui n’ont pas eu plusieurs amants, la pudeur est un obstacle à l’aisance des manières, c’est ce qui

  1. C’est l’histoire du tempérament mélancolique comparé au tempérament sanguin. Voyez une femme vertueuse, même de la vertu mercantile des religions (vertueuse moyennant récompense centuple dans un paradis) et un roué de quarante ans blasé. Quoique le Valmont des Liaisons dangereuses n’en soit pas encore là, la présidente de Tourvel est plus heureuse que lui tout le long du roman ; et, si l’auteur, qui avait tant d’esprit, en eût eu davantage, telle eut été la moralité de son ingénieux ouvrage.
  2. Le tempérament mélancolique, que l’on peut appeler le tempérament de l’amour. J’ai vu les femmes les plus distinguées et les plus faites pour aimer donner la préférence, faute d’esprit, au prosaïque tempérament sanguin. Histoire d’Alfred, grande Chartreuse, 1810.
    Je ne connais pas d’idée qui m’engage plus à voir ce qu’on appelle mauvaise compagnie.
    (Ici le pauvre Visconti se perd dans les nues.
    Toutes les femmes sont les mêmes pour le fond des mouvements du cœur et des passions ; les formes des passions sont différentes. Il y a la différence que donne une plus grande fortune, une plus grande culture de l’esprit, l’habitude de plus hautes pensées, et par-dessus tout, et malheureusement, un orgueil plus irritable.
    Telle parole qui irrite une princesse ne choque pas le moins du monde une bergère des Alpes. Mais une fois en colère, la princesse et la bergère ont les mêmes mouvements de passion.)
    (Note unique de l’Éditeur.)