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femme aimable montre de la froideur à l’homme qui lui parle en ce moment. Voilà la première exagération de la pudeur ; celle-ci est respectable, la seconde vient de l’orgueil des femmes ; la troisième source d’exagération c’est l’orgueil des maris.

Il me semble que cette possibilité d’amour se présente souvent aux rêveries de la femme même la plus vertueuse, et elles ont raison. Ne pas aimer quand on a reçu du ciel une âme faite pour l’amour, c’est se priver soi et autrui d’un grand bonheur. C’est comme un oranger qui ne fleurirait pas de peur de faire un péché ; et remarquez qu’une âme faite pour l’amour ne peut goûter avec transport aucun autre bonheur. Elle trouve, dès la seconde fois, dans les prétendus plaisirs du monde un vide insupportable ; elle croit souvent aimer les beaux-arts et les aspects sublimes de la nature, mais ils ne font que lui promettre et lui exagérer l’amour, s’il est possible, et elle s’aperçoit bientôt qu’ils lui parlent d’un bonheur dont elle a résolu de se priver.

La seule chose que je voie à blâmer dans la pudeur, c’est de conduire à l’habitude de mentir ; c’est le seul avantage que les femmes faciles aient sur les femmes tendres. Une femme facile vous dit : « Mon cher ami, dès que vous me plairez je vous le