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vu les femmes les plus distinguées se charmer d’un homme d’esprit qui n’était pas moi, et tout d’un temps, et presque du même mot, admirer les plus grands sots. Je me trouvais attrapé comme un connaisseur qui voit prendre les plus beaux diamants pour des strass, et préférer les strass s’ils sont plus gros.

J’en concluais qu’il faut tout oser auprès des femmes. Là où le général Lassale a échoué, un capitaine à moustaches et à jurements réussit[1]. Il y a sûrement dans le mérite des hommes tout un côté qui leur échappe.

Pour moi, j’en reviens toujours aux lois physiques. Le fluide nerveux, chez les hommes, s’use par la cervelle, et chez les femmes par le cœur ; c’est pour cela qu’elles sont plus sensibles. Un grand travail obligé, et dans le métier que nous avons fait toute la vie, console, et pour elles rien ne peut les consoler que la distraction.

Appiani, qui ne croit à la vertu qu’à la dernière extrémité, et avec lequel j’allais ce soir à la chasse des idées, en lui exposant celles de ce chapitre, me répond :

« La force d’âme qu’Éponine employait avec un dévouement héroïque à faire vivre son mari dans la caverne sous terre,

  1. Posen, 1807.