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de voir dans sa chambre et au milieu de la nuit un homme qu’elle ne connaissait point. Elle frémit en m’apercevant, et jeta un cri..... Je m’efforçai de la rassurer, et mettant un genou en terre : Madame, lui dis-je, ne craignez rien..... Elle appela ses filles..... Devenue un peu plus hardie par la présence de cette petite servante, elle me demanda fièrement qui j’étais, etc., etc., etc. »

Voilà une première vue qu’il n’est pas facile d’oublier. Quoi de plus sot, au contraire, dans nos mœurs actuelles, que la présentation officielle et presque sentimentale du futur à la jeune fille ! Cette prostitution légale va jusqu’à choquer la pudeur.

« Je viens de voir, cette après-midi, 17 février 1790 (dit Chamfort, 4,155), une cérémonie de famille, comme on dit, c’est-à-dire des hommes réputés honnêtes, une société respectable, applaudir au bonheur de Mlle de Marille, jeune personne belle, spirituelle, vertueuse, qui obtient l’avantage de devenir l’épouse de M. R., vieillard malsain, repoussant, malhonnête, imbécile, mais riche, et qu’elle a vu pour la troisième fois aujourd’hui en signant le contrat.

« Si quelque chose caractérise un siècle infâme, c’est un pareil sujet de triomphe,