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Vous savez bien si je veux vous déplaire. Si j'étais encore dans le temps où je jouais un rôle je n'aurais pas toutes ces agitations, je saurais bien distinguer ce que je puis me permettre, mais ici ce qui me semble raisonnable eu naturel, un moment, me paraît impertinent et trop hardi le moment d'après ; dix fois depuis que j'ai commencé ma lettre, je l'ai in­terrompue, et je n'écris pas une phrase sans me repenth à la fin de l'idée que j'ai entrepris de vous exprimer au commen­cement. Dans les autres inquiétudes que j'ai eues en ma vie, à force de réflé­chir, je voyais plus nettement la difficulté, et parvenais à me décider ; ici, plus je pense, moins je vois. Si je dois oser vous dire ce que je sens, je vois bien nette­ment ce que j'aurais pu espérer de Sé-raphine ou de telle autre femme sur une telle demande, mais sur vous, Madame, je ne vois absolument rien. Tantôt je vous vois bonne et douce, comme vous avez été quelquefois, mais bien rarement pour moi, tantôt froide et polie, comme certains jours chez Dugazon, lorsque je croyais que je ne vous aimais plus, et que je tâchais de ne m'occuper que de Fé-lippe \ Le comble du supplice est de pen-

1. Félippe était une jeune femme, sans doute une appren­tie actrice, qui prenait des leçons de déclamation chez Duga-