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sujjiimes, et les mule ec mille tableaux que ton imagination a fournis à ton cœur.

Il faut chercher à réaliser le plus pos­sible ces tableaux dans ta vie ; pour cela, étudier ton siècle et prendre garde que ton âme ne te fasse pas illusion en te montrant ce qui n'existe pas.

Ce siècle est commode ; il n'y a qu'un mobile, l'argent ; sous Louis XIV, par exemple, il y en avait trois ou quatre ; il était impossible quelque argent qu'on eût, de réparer le manque de naissance et de vaincre certains préjugés que Vol­taire et Rousseau ont détruits. Je suppose que tu eusses voulu faire un colonel de ton fils ; s'il n'avait pas été noble, tu au­rais en vain jeté des millions par la fe­nêtre. Actuellement avec de l'adresse et cinquante mille francs, tu pourrais en venir à bout. Julie d'Etange fut mal­heureuse toute sa vie avec tout ce qu'il faut pour le plus divin bonheur, à cause de la sotte manie du baron son père. Tu vois cette seule erreur de tête faire le mal­heur de Julie, de sa mère, de Saint-Preux et de Claire.

Vois donc les services que rendent les philosophes, quelque froids qu'ils soient, en chassant les préjugés.

Le bonheur consiste à pouvoir satis-