Page:Stendhal - Correspondance, I.djvu/341

Cette page n’a pas encore été corrigée

les barbares qui les tuent s'en doutent.

Le malheur des âmes sensibles vient d'expliquer à leur manière les paroles des gens secs ; ils te disent que le premier des biens est la liberté. Cela peut être vrai pour eux, non pas exactement pour nous ; il faut bien un certain degré de liberté, sans quoi, tout se tourne en poison ; mais la liberté absolue est l'isolement et c'est le péril des États. Vois ce mendiant de quatre-vingts ans qui se prive de la moitié de son pain pour nourrir son petit chien.

Mille choses, qui glissent sur leurs âmes sèches et qu'elles n'aperçoivent pas, font le bonheur ou le malheur d'une âme tendre, et la plupart des choses que nous envions sur la parole des secs ne sont pas même des plaisirs pour nous, comme toutes les jouissances de vanité par exemple. Une âme comme la tienne, ma chère Pauline, tire plus de plaisir d'un bel arbre qu'elle rencontre à la promenade, qu'eux d'un superbe équipage tout neuf dans lequel ils veulent briller ; ils voient que, en général, ils brillent bien moins qu'ils ne fe'y attendaient, et, toi, sous ton arbre, tu te figures des amants heureux, des époux faisant promener ensemble leur petit enfant de deux ans, Sapho faisant; retentir les forêts de ses accents