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heureuse et se dit à elle-même ; « Je mé­ritais mieux ! » Et les douces larmes de la mélancolie lui viennent aux yeux. Alors, ces jouissances acquièrent un charme de plus par le regret de ne pouvoir les trouver ; on se les détaille pour se con­soler, et, par là, on devient capable de les peindre. Voilà par où ont passé Jean-Jacques, Racine, Shakspeare, Virgile, etc., etc., et tous les grands génies sensibles. Lorsqu'ils ont joint à cela une bonne tête et qu'il ont connu la vraie vertu, comme Homère, Corneille, ils ont pu produire les plus beaux ouvrages hu­mains. Figure-toi une tragédie où il y aurait un rôle d'Hermione ou de Phèdre et où les hommes seraient les Horaces, Cinna, Sévère. Le cœur humain ne pour­rait pas tenir à tant de beautés si elles étaient bien jouées par les acteurs ; tout le monde suffoquerait au troisième acte et sortirait au quatrième avec un mal de tête horrible. Nos poètes font bien sortir, mais par un motif plus tranquille. Polyeucle approche de ce beau idéal.

Tous les grands peintres sensibles ont aussi commencé par la mélancolie ; elle est inspirée par les têtes du divin Raphaël et par les paysages du Poussin. Lorsqu'on est même bien disposé, ils produisent l'illusion la plus complète, et celle qui a le