Page:Stendhal - Correspondance, I.djvu/238

Cette page n’a pas encore été corrigée

il faut souvent dire en quatre pages ce qu'on eût exprimé en trois phrases. Voilà pourquoi je suis tranchant dans mes lettres ; je veux dire beaucoup en peu de mots. Mon ton est sérieux ; autrement, il serait badin.

Pourquoi badin ? Parce qu'il offense­rait moins la vanité. Comment ? Parce que, toutes les fois qu'on affecte d'être plaisant, la personne à laquelle vous parlez dit : il se donne ce soin-là pour moi, cela flatte sa vanité.

S'il y a une société où le bon ton per­mette d'offenser la vanité à 2/10, on peut dire à un homme une vérité qui offense la sienne à 5/10, si le ton dont on se sert la flatte en même temps à 3/10, parce qu'alors tout revient à 2/10 d'offense. Voilà l'avantage de la plaisanterie, le comprends-tu ? Il faut t'accoutumer à raisonner ainsi mathématiquement ; voilà le véritable usage des mathématiques.

Mon grand-papa me dit qu'il est très satisfait de toi, que tu es moins triste, et que tu modèles des médailles : pauvre occupation qui n'est bonne que comme distraction. On y peut apprendre deux choses : 1° les belles formes, en modelant le divin Antinous, Hélène et Paris, etc. ; 2° la science des physionomies, science réelle, mais qu'il faut se faire soi-même