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à Genève m'a bien fait réfléchir, et mes nouvelles connaissances de Paris encore beaucoup ; je suis devenu gai, d'horrible­ment triste que j'étais. Sais-tu ce qui m'a changé ? De ne plus demeurer avec Faure. Rien de pernicieux comme la compagnie d'un homme triste. Je te dis ça à toi ; je ne l'ai point dit à Bigillion parce que Faure serait fâché de passer pour triste. Je vois la vie bien différemment cette année : je suis plus gai et bien meilleur. C'est Mante, excellent philosophe, qui m'a dit ça1.

Mais, pour en revenir et ne pas bavarder sans fin, cherche à voir l'homme dans l'homme et non plus dans les livres.

Remarque que tous ceux qui ont écrit sur l'homme étaient presque tous de mauvaise humeur : c'étaient des malheu­reux ; c'étaient des gens tristes par carac­tère ; c'étaient enfin des vieillards qui étaient de mauvaise humeur contre les jeunes gens, dont ils ne pouvaient plus partager les plaisirs. Beaucoup même onl écrit,

Non pour la vérité, mais par un trait d'envie, Qui ne saurait souffrir qu'un autre ait le plaisir Dont le penchant de l'âge a sevré leurs désirs.

1. On lit dans le Journal à la date du 7 mais 1805 : « Xe eommerce de Mante et de Crozet commence à me guérir du mal infini que m'avait fait celui de Félix Faure. »