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bonheur que tu t'étais figuré, sont au commencement, de la vie de tous les vrais grands hommes. Ils nous l'ont appris eux-mêmes : Shakspeare, Corneille, Molière, J.-J. Rousseau commencent ainsi. Àlfieri dit expressément : « Ce fut l'ennui de toute chose qui me porta à faire des tra­gédies ; j'écrivis la première page pour me consoler uniquement ; j'écrivis la se­conde avec plus de plaisir ; il se trouva que j'étais dans le délire en faisant la troisième ; l'amour de l'art m'enflam­mait ; depuis lors, il fait tout mon bonheur. Je résolus de faire la meilleure tragédie possible. »

Shakspeare, Molière, Corneille, et lui sont les quatre plus grands modernes : on a su, par les amis d'Àlfieri, que, l'an­née 1775, où il écrivit Cléopâtre, sa pre­mière tragédie, il avait eu envie de se tuer. Il était jeune, beau, riche, plein d'esprit, et rien ne l'attachait : c'est que cette âme grande était faite pour un amour plus relevé.

Je te conseille donc de chercher^ une consolation dans la plus belle science qui existe, celle de l'homme. Remarque une chose : c'est que les pédants nous ont tant ennuyé de science, qu'ils dégoûtent les esprits vrais (qui n'aiment que la vé­rité et qui ne croient que ce qu'ils com-