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s'imagine confusément que les passions gouvernent tout le monde, tandis que sur cent personnes il y en a quatre-vingt-huit qui n'ont d'autre passion que la va­nité (l'orgueil sur les petites choses).

Le langage du monde est trompeur ; on fait semblant de céder à un sentiment, on ne cède, en effet, qu'à l'intérêt plus ou moins bien calculé, et on joue la comé­die plus ou moins bien.

Dans ce qu'on appelle la bonne compa­gnie, il y a moins d'hypocrisie : cela vient, je crois, de ce que tout le monde y a lu Jean-Jacques, Helvétius, Sénèque, Duclos, etc., etc., et qu'on a reconnu que plusieurs de leurs principes sont vrais.

Fontenelle, l'homme qui a le plus affecté de finesse, et son disciple Marivaux, qui vaut mieux que lui, ont contribué à chasser l'hypocrisie des mœurs de la bonne compagnie.

L'homme qui se jette dans le monde renonce à vivre par lui ; il ne peut plus exister que par les autres, mais aussi les autres n'existent que pour lui.

Par exemple, un homme à la mode aujourd'hui (prairial an XIÏ) se lève à dix heures, passe une redingote, va au bain , de là déjeuner. Il revient, prend des bottes et un habit mi-usé, va passer son temps jusqu'à trois heures et demie à