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j'ai le même vice que toi : je voulais l'écrire trop de choses sur ton avant-dernière lettre, et je n'ai rien écrit. J'avais en la lisant, trente ou quarante pages à te dire, mais l'écriture est si lente, qu'en traçant une phrase, on a le temps d'en oublier dix.

Tu ne te douterais pas d'une chose que je veux te faire remarquer en passant, c'est que ta dernière lettre est éloquente ; pourquoi '? c'est qu'en décrivant la dou­leur, tu m'as écrit ce que tu sentais et n'y as point mis d'esprit. Voilà ce que doit être une bonne tragédie, voilà ce qui est le rôle d'Hermione : elle sent et montre son cœur. J'appelle cœur le centre des sentiments (désirs, peines, plaisirs, etc., etc.) et tèle ou cerveau le centre des idées.

Je reviendrai une autre fois sur cette idée, qui est un flambeau qui éclaire bien dans la connaissance de l'homme.

Tu as vu la vie, ma chère Pauline : un moment de joie suivi d'un moment de tristesse. Pourquoi un paysan qui perd sa femme la pleure-t-il tant, et un riche Parisien qui perd la sienne ne s'en aperçoit-il qu'en ce que son habit tête de More est de­venu noir ? C'est que la femme du paysan lui est utile (elle travaille) ; agréable, parce qu'ils ne sont pas toujours ensemble. C'est là le seul moyen de se plaire long-