Page:Stendhal - Correspondance, I.djvu/181

Cette page n’a pas encore été corrigée

58. —A A SA SŒUR PAULINE

[Mai, 1804.]

A. chère petite, ta lettre m'afflige beaucoup ; je t'écrirai tous les deux jours pour te distraire. J'écris aujourd'hui à mon papa pour le remercier des deux cent quatre francs qu'il m'envoie et qui ne pouvaient venir plus à propos : je portais depuis huit jours, des souliers percés, et j'avais besoin de tout mon es­prit pour glisser sous le trou une petite patte teinte en noir avec de l'encre.

Je dois à la pension où je mange et où je ne suis guère connu ; je dois à mon por­tier ; je dois à mon tailleur, qui venait me voir tous les matins ; il y a longtemps que ma montre est engagée. Je ne vais nulle part depuis quinze jours, faute d'avoir douze sous dans ma poche ; je néglige M. Daru, le général Michaud, mademoiselle Duchesnois ! que de raisons de me déses­pérer !

Eh bien, jamais je n'ai tant ri : il y a trois ans, je me serais désespéré ; je suis devenu raisonnable depuis. La vie de l'homme le plus puissant qui ait jamais