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n’ont-ils pas vu la folie qu’ils faisaient en armant les peuplades les plus belliqueuses ? Elles leur ont d’abord servi d’auxiliaires, et l’ont fait avec ardeur ; elles y gagnaient d’être à l’abri du rapt et d’étendre leurs conquêtes. Puis, une fois leur domination établie, une fois le sol balayé des timides dont le territoire, les biens, les personnes étaient l’objet des convoitises, les pourvoyeurs ont tourné leurs fusils contre les imprudents qui les leur avaient donnés.

Autrefois les Arabes ne prenaient que leur bâton de voyage et allaient partout, suivis seulement de quelques mousquets. Maintenant, en dépit de leur escorte, toujours plus nombreuse, ils ne marchent plus sans crainte. À chaque pas ils se sont créé un péril. Ils ont semé le danger, et l’ont semé pour tout le monde ; pour les bons d’entre eux comme pour ceux d’une autre race.

Livingstone était rentré le 16 octobre 1871 à Djidji, presque mourant. Le soir de son retour, voyant Chumâ et Souzi, ses deux fidèles, qui pleuraient amèrement, il leur en demanda la cause.

« Nous n’avons plus rien, monsieur, répondirent-ils ; plus d’étoffe : Chérif a tout vendu ! »

Un instant après, Chérif se présenta, ayant l’audace de tendre la main à Livingstone. Celui-ci le repoussa en lui disant qu’il ne serrait pas la main d’un voleur ; sur quoi cet homme fui donna pour excuse qu’il avait consulté le Coran. Le livre sacré lui avait dit que le docteur était mort, et, l’étoffe n’ayant plus de maître, il l’avait troquée pour de l’ivoire. À son tour l’ivoire avait été vendu, le prix dépensé, et le voyageur était